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Jorge Montijo, collègue portoricain de l’organisation qui fait partie de l’organisation Comuna Caribe (collectif des femmes noires et d’ascendance africaine), membre du Jubilé Sud / Amériques, nous partage ses perceptions sur les implications de ces 10 ans après le coup d’État.
Secrétaire JS/A Considérez-vous que cet événement a entrainé des changements dans le scénario de la région latino-américaine ? Lesquels ?
Jorge : Le coup d’État au Honduras a coïncidé avec la politique extérieure de la nouvelle administration américaine, celle de conserver sa position de leadership dans le monde et notamment en Amérique latine. Quand les États-Unis ont réprimé un mouvement populaire au Honduras, à l’aide de leur soutien tacite ; ils ont donné leur accord à la main forte contre des mouvements populaires et revendicatifs, et aussi bien contre le journalisme critique dans la région.
Il est important de souligner que les structures socio-économiques qui caractérisent l’état hondurien ont toujours empêché l’établissement d’une démocratie participative et populaire. Les États-Unis ont tué dans l’œuf, à l’aide du coup d’État, les timides efforts de démocratisation proposés par le gouvernement de Mel Zelaya; c’est de cette manière qu’ils ont donné feu vert aux oligarchies des pays voisins afin qu’ils conservent le control de manière similaire. Cette politique encouragée au Honduras a des retombées négatives sur toute la région, et celle-ci fait un effet d’un seau d’eau froide sur les mouvements les plus progressistes dans tous les pays d’Amérique centrale et d’Amérique latine ; les organisations populaires peuvent être réprimées sans impunité, les voix dissidentes peuvent être tues par la force, et ainsi les oligarchies internes peuvent être consolidées au service des États-Unis.
Et même si l’on a signalé la désorganisation de la gauche hondurienne, comme la « cause » de la faiblesse relative des forces populaires face à l’attaque impétueuse de la droite; il faut prendre en compte que tout au long du siècle passé et à l’heure actuelle, les États-Unis ont soutenu les oligarchies nationales dans des massacres, des génocides et aussi dans la défenestration sélective du leadership de la gauche; un exemple clair et proche de notre réalité dans le temps et dans l’espace de cette politique de meurtre sélectif de leaders populaires et de gauche, est celle-ci qui a été appliquée sous le gouvernement de Balaguer, en République dominicaine entre 1966 et 1978, anéantissant toute une génération de combattants.
Par ailleurs, en 2016, au Honduras, la leader Berta Cáceres a été assassinée ; de même, plusieurs militants et journalistes critiques ont été assassinés. Bref, dans tous les secteurs, les meilleurs ont été assassinés dans le but d’affaiblir au maximum les tentatives d’organisation et de mobilisation populaire.
Pour conclure, il faut souligner que le Honduras n’est pas le seul pays où l’implication de l’oligarchie avec le narcotrafic engendre un climat de violence généralisée, qui, conjuguée à la catastrophe climatique, entraine une vague géante migratoire depuis la région, donc, il faut un changement radical dans les gouvernements de ces pays. Faute de quoi, le flux migratoire augmentera de manière exponentielle dans les prochaines décennies. La recrudescence des politiques antimigratoires dans les pays économiquement plus avancés. C’est à remarquer que les États-Unis et même le Mexique engendre la possibilité d’une grave crise humanitaire régionale.
Secrétaire JS/A : Selon votre perspective, quel est le rapport entre le modèle d’imposition des coups d’État et les conditions sociales, politiques et économiques de votre pays ?
Jorge : Porto Rico est une colonie classique sous le domaine des États-Unis, donc, ce modèle de coup d’État ne nous vise pas directement. Dans notre cas, le «coup» sur notre supposée souveraineté limitée par ledit État libre associé à Porto Rico, se développe sous la forme des lois approuvées dans le Congrès des États-Unis. La plus néfaste et sarcastiquement nommée loi PROMESA (promesse, par son sigle en anglais), qui a établi un conseil de surveillance fiscale, élu par ce congrès, lequel jouit de pouvoirs absolus sur le gouvernement de Porto Rico de la même manière qui l’ont fait les capitaines généraux de la colonisation espagnole au XIX siècle. Si bien le soutien yankee au coup d’État au Honduras est une intervention extérieure dissimulée, à Porto Rico on a démasqué devant tout le monde, sa colonie la plus importante et lucrative. En plus, comme c’est bien connu, Porto Rico continue à être fer de lance contre les attaques et interventions militaires contre les peuples latino-américains, centraméricains et caribéens.
Secrétaire JS/A : Quel est le rôle des organisations sociales dans ces scénarios ?
Jorge : Le grand problème des mouvements populaires dans tous les pays est le manque de coordination entre groupes et organisations. Je reprends la réponse donnée à la première question, dans la plupart de pays le leadership des mouvements a été décimé par l’oligarchie et l’empire ; exprimer cela est enfoncer une porte ouverte, mais les mouvements sociaux ont le devoir de chercher des alliances et des points de convergence afin de faire face à l’ennemi commun. À ce propos, c’est important laisser tomber les luttes internes ; Fanon qui était psychiatre, disait aussi que l’oppression coloniale engendre les luttes fratricides, le déplacement horizontal de la violence. Malheureusement les leaderships des mouvements populaires et de gauche sont réticents à recevoir de l’aide depuis les sciences du comportement pour minimiser les réticences psychologiques, face au changement progressiste. En revanche, on a la disposition des oligarchies et le pouvoir capitaliste à s’en servir de ces connaissances afin de faciliter leur hégémonie.
Les organisations populaires doivent promouvoir une culture d’ouverture et démocratie au sein de ces dernières. C’est la seule manière satisfaisante de résoudre les luttes intestines et aussi bien transmettre un message plus efficace à la population face à l’idéologie hégémonique. Si on ressemble nos oppresseurs, en adoptant des postures autoritaires et antidémocratique, personne voudra rejoindre notre lutte.
Cette publication a été préparée avec le soutien financier de l’Union européenne. Le contenu de cette publication est de la seule responsabilité de l’Institut Jubilé Sud Brésil et Jubilé Sud / Amériques et ne peut en aucun cas être pris pour refléter les vues de l’Union européenne.